Faut-il se rassembler pour traduire ?

L'année 2021 a été assez riche en ouvrages français sur la pensée de la traduction. Après "Penser la traduction", voici que paraît chez Double Ponctuation un ouvrage collectif autour des questions soulevées par la polémique qui a accompagné la traduction du poème d'Amanda Groman. Le thème est assez éloigné des archives Tophoven mais il se trouve que page 17, dans la première contribution par Laëtitia Saint-Loubert "Se penser avec l'autre - Du "marché-monde" au "tout-monde" de la traduction, référence est faite aux archives Tophoven dans une note. Comme quoi l'existence de ce site a finalement induit une perception de ces archives privées. 

"Faut-il se ressembler pour traduire" est non seulement une question d'actualité, il semble bien que cette question est un peu nouvelle pour la réflexion autour de la traduction. Ce qui fait aussi tout l'intérêt de cet ouvrage. 

Au moment où les archives privée autour d'Elmar et Erika Tophoven font l'objet d'une certaine attention en France par le travail de Solange Arber notamment, les deux ans de pandémie pèsent lourd sur le projet de rassembler les archives Tophoven à Straelen, la ville natale d'Elmar toute proche de la frontière néerlandaise. La pandémie a interrompu la première phase d'ouverture des archives, en 2019. Pour des raisons sanitaires, personne ne vient et à 100 mètres de là, le Collège Européen des Traducteurs est interminablement fermé. 

Deux démarches somme toute progressives si l'on en croit l'ouvrage collectif, en phase avec les visions actuelles de la culture, mais qui se brisent sur les conséquences de la pandémie. Que va-t-il en advenir ? Le confinement les met à mal au moment même où l'on constate leur actualité. Aujourd'hui comme sans doute jamais, la traduction est devenu une sorte d'épicentre culturel, comme si le traducteur devenait un peu la matrice de la création contemporaine plutôt que l'auteur trop associé au gaspillage démiurgique, un peu comme dans le Bâtiment où le rénovateur ou réhabilitateur l'emporte sur l'architecte du neuf.

Au début du Collège, un traducteur transfuge de RDA et menuisier à ses heures rafistolait les meubles de la nouvelle institution, commandés à bas prix de l'autre côté du mur. Il traduisait un auteur haïtien et me parlait des tontons macoutes. Il n'a jamais été question de remettre en cause sa capacité à traduire en allemand, comme blanc appelé Thomas Dobberkau, les pensées d'un Haïtien. De même l'un des plus éminent auteurs Haïtiens est Hans-Christoph Buch, un écrivain allemand avec des origines de bequé haïtien. Quand je me suis intéressé à son oeuvre, jamais la question noire n'a semblé poindre, tant ces questions-mêmes semblent mises à mal par l'être même de Hans-Christoph Buch. Par contre, on était sensible au fait que l'éditeur Siegfried Unseld a lancé à Hans-Christoph Buch pourquoi il ne choisit pas d'autre sujet que Tahiti, confondant ainsi Haïti avec l'île de Segalen. Vraiment, la question suscité par la tradution du poème de Groman est plutôt nouvelle.

Mais, malgré la pandémie qui semble s'installer pour très longtemps, le besoin de se comprendre, de se rassembler et de se ressembler va rester.